Un lapin

Nous devions traiter un sujet, ce matin, à notre atelier de « l’écume des mots » : Vous avez rendez-vous avec quelqu’un, mais il (elle) n’arrive pas… Attention : Évitez les mots : attendre – rendez-vous.

Dites, Mademoiselle, je vous appelle car je m’étonne de ne pas vous trouver à l’endroit convenu. Je suis désolé, croyez-le bien : cela fait à présent près de deux heures que je me languis, et cela m’étonne de votre part. Votre profil, sur Internet, et vos messages, ne me laissez pas présager une telle attitude.

Un peu plus tard…

Tu m’as filé un lapin, je suis debout à me geler, en faisant le pied de grue, j’en ai marre. Tu aurais pu t’excuser si tu avais un problème, petite écervelée (et je suis poli) !

Encore plus tard …

Allô ? Ouais, je suis encore ici au même endroit, ras-le-bol ! Il pleut comme vache qui pisse, tout me dévale dessus sur ces pavés de malheur, et si encore j’avais la lumière, mais ce sacré réverbère est en panne, évidemment…  

Ne viens plus, petite grue : je ne serai plus là, et il vaut mieux que l’on ne se rencontre pas quand je serai sur le chemin de chez moi, car je ne réponds plus de rien.

Bouteille à la mer.

Un sable si doré, des lumières d’Outremer, des rouleaux, enchanteurs pour un surfeur… Me voici, seul, et un doux bruit, répétitif, de roulement crissant près de mon oreille éveille ma curiosité, et me sort de ma torpeur. La bouteille semble retrouver le geste du viticulteur, qui la tournait régulièrement pour bonifier son nectar. Mais ici elle se laisse délicieusement bercer par le flux et le reflux, et son bouchon fendillé semble même sourire lorsqu’il vient me titiller les orteils.
Mais… une bouteille à la mer, c’est fait pour un message, non ? C’est fait pour qu’on y découvre une vérité importante, la « phrase de la vie » d’un être au bord du gouffre, un dernier espoir…
Je l’ai ouverte, vite (impossible d’y résister, bien sûr), j’ai déroulé le parchemin, puis, encore plus vite, je l’ai replacé, j’ai rebouché et jeté au loin la bouteille, dans l’eau, où elle a disparu…
J’ai pris mes affaires, je m’en suis allé.

Ah, oui… j’avais lu : « S’il vous plaît, laissez moi tranquille… »